Séminaire Le Hip Hop, Des Savoirs


07-04-2023

En avril 2019, l’équipe de recherche ERALO de l’UNC consacrait le 1er séminaire universitaire au Hip Hop local. L’objectif était d’en explorer les potentiels didactiques[1]. Trois ans après, un nouveau séminaire se déroulera le mardi 25 avril 2023, de 16h30 à 18h30 au Rex, à Nouméa. Dans les deux cas, les partenaires dont la province Sud, l’association Dix Vers Cité et les magazines dédiés aux cultures urbaines (Tazar.nc, Street Kingz’) soutiennent la construction d’un pont interculturel entre la presqu’île de Nouville et la ville dont les quartiers ont fait (con)naître le mouvement Hip Hop. Cette fois, la thématique du séminaire invite à explorer les liens entre le Hip Hop et les savoirs.

D’un genre musical marginalisé des ghettos américains des années 1970, le Hip Hop est devenu le genre musical « dominant » aux États-Unis (Nielsen Music Report, 2017[2]) et plus encore, un mouvement culturel s’est construit de façon pluridisciplinaire (danse, rap, Dj-ing, beatbox, graff) pour constituer un véritable mode de (sur)vie. En effet, l’émancipation des minorités sociales, la lutte contre la discrimination raciale, la résistance face à l’exclusion systémique et la revendication d’un langage à part font partie des principes fédérateurs qui universalisent le Hip Hop. Le leitmotiv est de « croire en la réversibilité du destin » (Le Monde, 2006[3]). La Nouvelle-Calédonie ne fait pas exception, mais importé dans un contexte postcolonial, le Hip Hop se voit terre d’accueil pour une jeunesse en quête de reconnaissance et d’ancrage identitaire entre la ville et la vallée, entre la rue bitumée et le champ d’ignames, entre des racines d’ailleurs et les métissages d’ici.

LE SÉMINAIRE 2023

Aujourd’hui, l’internationalisation du Hip Hop couplée à son industrialisation en multiplie les statuts : espace artistique, outil d’expression, levier de résistance sociale, marqueur identitaire, système de valeurs, divertissement, produit commercial, etc. Ce qu’il est plus rare de voir est l’association entre le Hip Hop (univers pluridisciplinaire né de mouvements considérés transgressifs-subalternes) et les savoirs (vus comme une forme noble des expériences au monde). Partant de là, la volonté à travers ce séminaire est de mettre en perspective la fonction constructive du Hip Hop, repensé à la fois en tant que sujet d’études et lieu de savoirs. En ce sens, les questions qui serviront de fil rouge autour de ce séminaire se formulent comme suit :

  • quels savoirs se produisent sur le Hip Hop ?
  • quels savoirs le Hip Hop produit-il ?

PROGRAMME

Le Hip Hop : source de savoirs anthropologiques (Chrystèle Marie)

L’émergence et la diffusion du Hip Hop à Nouméa font l’objet d’une thèse doctorale dont la visée est de produire des savoirs anthropologiques sur la relation entre l’action artistique et les changements sociaux et urbains. Partant des lieux emblématiques de ce mouvement issu des quartiers dits « populaires », le travail de terrain consistera à examiner la manière dont ses acteurs et actrices se sont appropriés, à travers lui, des espaces pour être visibles dans la ville.

Le Street Art pour décentrer l’expertise linguistique (PaBlöw, Elatiana Razafi, Fabrice Wacalie en collaboration avec Rick Togna)

Décentrer l’expertise linguistique implique que la science consacrée aux langues co-existe avec d’autres lieux de savoirs. Notre présentation prend acte de cela en reconnaissant les espaces publics, artistiques et urbains en tant que lieux de savoirs. En quelque sorte, ce décentrement revient à recentrer l’expertise linguistique sur les sujets locuteurs et locutrices, indifféremment de leur statut social ou sentiment de maîtrise. Pour cause : l’existence des langues tient au besoin d’exister en société. Ce mouvement de décentrement-recentrement relie également l’expertise des scientifiques à leur propre trajectoire de vie. À travers un projet inspiré du Street Art, le marouflage de micro-agressions linguistiques subies par des jeunes illustre cette mise en mouvement des savoirs. D’un quartier d’enfance au métier de chercheur sur Nouville, des murs de l’université aux murs de la ville, une vidéo immersive retracera la mobilité et la diversité de l’expertise sur nos langues, c’est-à-dire sur nous.

Miroir de soi et de l’autre, le Hip Hop reflet d’un savoir (Kuby)

« Mon chemin artistique dans l’univers du Hip Hop est indissociable d’un parcours de vie cheminé avec exigence, humour et poésie sans pour autant être dénué de périodes sombres d’où le titre de mon dernier album de rap Peine Ombre. Pour moi, le lien entre le Hip Hop et le savoir est une évidence mais il comporte un double sens. Le Hip Hop permet d’apprendre autant sur soi que sur les autres. Le monde du Hip Hop représente une école à part entière où la (re)construction du moi se fait au travers de l’autre et où mes savoirs artistiques se sont nourris des rencontres avec l’autre. Ma contribution à ce séminaire sera la mise en voix, mise en musique de cette école de la vie à travers du récit et du rap ».

ARTISTES INVITÉS

Wakfu est une artiste Hip Hop dont la trajectoire se démarque (elle passe de la danse au slam) et se remarque (lauréate du concours de slam en 2011, invitée d’honneur à Just Slam ! au Canada en 2021). Ses plus récentes collaborations sont pour la Petite anthologie du slam en Nouvelle-Calédonie et l’écriture d’un spectacle avec la compagnie Moebius.

Sofiane Chalal est souvent présenté comme « un danseur hors format » mais il est surtout « un artiste hors limites ». Il s’est d’abord révélé danseur Hip Hop avant d’ajouter à ses cordes la chorégraphie, l’interprétation, la performance, la comédie et la création de compagnie (Cie Chaabane) et ce, au plus haut niveau. Il est de passage à Nouméa avec la Compagnie Le Théâtre de Chambre en vue d’un projet pluridisciplinaire rythmé de rencontres créatives, de traçages documentaires et de performances scéniques.

LES INTERVENANTES ET INTERVENANTS

Chrystèle Marie (Lesc-CNRS & CREM) est doctorante en anthropologie à l’Université de Paris-Nanterre. Originaire de Nouméa, elle y revient dans le cadre de son doctorat consacré au Hip Hop à Nouméa.

PaBlöw œuvre dans la culture hip hop locale depuis une vingtaine d’années (graff puis rap) à travers une multiplicité de rôles : Président de l’association 10VersCités, porteur de projets street-art et interculturels, Mc de battles, organisateur d’événements, référent des cultures urbaines pour la Ville du Mont-Dore.

Fabrice Wacalie enseignant-chercheur à l’Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation de l’Université de la Nouvelle-Calédonie. Il s’intéresse aux questions relatives à l’adaptation des programmes scolaires aux réalités culturelles et linguistiques calédoniennes et notamment à l’intégration des langues et cultures kanak par la transposition didactique de savoirs autochtones.

Elatiana Razafi est maîtresse de conférences HDR à l’Université de la Nouvelle-Calédonie. Elle puise dans son parcours d’hyper-mobilité (Afrique, Amérique du Nord, Europe centrale, Antilles, Pacifique Sud) pour développer des approches pluriartistiques. Le projet transversal qui l’anime est de réhabiliter les expériences plurilingues, minorisées, (post)coloniales en tant qu’héritières et productrices de savoirs.

Rick Togna est un artiste polyvalent et productif. Membre de l’association indonésienne de Nouvelle-Calédonie, il danse, chante et compose des musiques au sein des groupes Saat Menari et Anggklung Vibration. Récemment, il a aussi créé le groupe GOOD TIMES avec lequel il se produit sur les scènes nocturnes de Nouméa. Calibré dans la créativité visuelle, il est réalisateur, vidéaste, photographe et graphiste sous le nom de Noctis Prod. C’est avec cette casquette qu’il a collaboré au projet AK-100 en réalisant une vidéo immersive retraçant les biographies qui motivent le décentrement de l’expertise linguistique.

Kuby est un artiste pluridisciplinaire (graff, rap, tatouage) et le créateur du shop Kuby Kolor. En mars 2023, il a sorti son 6e album rap, Peine Ombre, considéré comme son projet le plus abouti et le plus personnel à l’échelle d’une carrière comptabilisant 13 ans d’activité et une discographie de désormais 6 albums.

Sylvain Derne se décrit comme un « cueilleur de sons et de bons mots » et il serait difficile d’en faire autrement pour résumer non pas ses fonctions (écrivain, narrateur, animateur radio, journaliste, auteur) mais l’acuité plurisensorielle avec laquelle il les exerce. Il co-animera le séminaire avec PaBlöw.

 

CONTACT

Elatiana Razafi

[1] https://eralo.unc.nc/seminaire-de-recherche-2019-n-2-17-avril-2019/

[2] https://www.nielsen.com/wp-content/uploads/sites/2/2019/04/2017-year-end-music-report-us.pdf

[3] https://www.lemonde.fr/ete-2007/article/2006/08/08/le-hip-hop-dans-tous-ses-mouvements_801921_781732.html